Le modèle du bulletin de paye devrait évoluer dès l’an prochain et s’enrichir d’une nouvelle mention, le « Montant net social ». Cette mention pourrait être rendue obligatoire à partir de juillet 2023, et faire l’objet d’une rubrique dédiée en DSN à partir de janvier 2024. Un arrêté, appuyé d’une série de questions/réponses, devrait sortir en janvier prochain, sauf éventuel aménagement de calendrier.
Cette modification est actuellement au stade de projet
Des discussions sont en effet en cours depuis quelques mois entre la Direction de la sécurité sociale et les différentes institutions et acteurs du monde de la paye (GIP-MDS, URSSAF, CNAF, éditeurs de logiciels de paye, ordre des experts-comptables, etc.) en vue d’ajouter une nouvelle rubrique « Montant net social » et d’en définir ses modalités de calcul et de déclaration.
Si les travaux sont toujours en cours, le projet semble avoir suffisamment avancé pour pouvoir en tracer aujourd’hui les contours et le calendrier prévisionnel.
Bien entendu, les informations de cet article restent tributaires d’éventuels aménagements de calendrier, ou d’évolutions toujours possibles d’ici la parution des textes définitifs.
Le contexte de création du « Montant net social »
La notion de « Montant net social » s’inscrit dans la continuité de la logique qui a présidé à la création du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, et dans un contexte plus général de volonté de réduction de la précarité en automatisant le plus possible le versement des aides (prime d’activité, allocations familiales, APL, RSA) à ceux qui y ont droit, pour éviter le non-recours et la fraude.
Pour ce faire, l’administration va créer un « Montant net social », qui constituera une référence commune à « tous les salariés », avec une définition unique, quel que soit leur statut, leur branche ou leur entreprise.
À l’avenir, il incombera aux employeurs d’afficher le « Montant net social » sur tous les bulletins de paye et de le déclarer, quel que soit le montant de la rémunération des salariés.
Cette rubrique permettra aux salariés d’identifier le revenu de référence à prendre en compte, au titre de leurs différents revenus salariaux, pour la détermination de leur droit ou le calcul du montant de certaines prestations.
Dans un premier temps, ce montant de référence sera utilisé pour le RSA et la prime d’activité, deux prestations versées par les Caisses d’allocations familiales (CAF) et de mutualité sociale agricole (CMSA).
Cette nouvelle mention permettra également aux assurés sociaux d’éviter les erreurs lorsqu’ils rempliront les déclarations trimestrielles de ressources (DTR) associées à ces prestations. Plus tard, à horizon 2024, les DTR que les assurés devront transmettre aux CAF/MSA pourront même être pré-remplies, grâce aux données transmises par les employeurs via la DSN.
Information à noter : le net social devrait être également consultable par les salariés en se connectant sur le site www.mesdroitssociaux.gouv.fr. L’avenir nous dira si un renvoi à ce site sera ou non prévu à terme sur les bulletins de paye (selon nos informations, à date, rien ne serait en tout état de cause prévu pour 2023).
Quand la modification devrait elle intervenir sur le bulletin de paye et en DSN ?
L’affichage du « Montant net social » sur une ligne dédiée du bulletin de paye serait obligatoire à partir de juillet 2023.
À cet égard, l’arrêté à paraître devrait proposer un modèle rénové de bulletin de paye, utilisable dès juillet 2023, mais qui ne sera obligatoire qu’à partir de 2025 (utilisable sans obligation à compter de juillet 2023). Le modèle envisagé se caractérise notamment par une nouvelle présentation des lignes de cotisations de protection sociale complémentaire, qui se veut plus en phase avec la logique de calcul du « Montant net social ».
De juillet 2023 à la fin 2024, il devrait être possible, à titre transitoire, d’utiliser un modèle adapté, dérivé du modèle actuel (simple ajout du « Montant net social » après les rubriques indiquant les cotisations sociales).
En DSN (déclaration sociale nominative), le « Montant net social » fera l’objet d’une rubrique spécifique à partir de 2024, qui devra être systématiquement renseignée pour tous les salariés.
Information importante : l’actuelle rubrique « Montant net versé » de la DSN ne devra plus être utilisée, sauf pour d’éventuelles régularisations au titre des périodes antérieures à 2024 (attention : il n’y a pas d’équivalence entre les deux rubriques).
Le principe général du Net social
– de l’ensemble des sommes brutes correspondant aux rémunérations et revenus de remplacement versés par l’employeur au salarié (salaires, primes, rémunération des heures supplémentaires, avantages en nature, indemnités de rupture, etc., mais hors IJSS) ;
– duquel il faudra déduire des cotisations et contributions sociales.
Pour une application en paye, il faudra aller plus loin dans la démarche et se poser notamment les questions suivantes : de quel montant brut partir (éléments à prendre en compte, éléments à exclure) ? , quelles cotisations peut-on déduire ?.
- De quel montant brut partir ?
À noter : cette définition ne correspond ni au brut sécurité sociale, ni à la base CSG/CRDS sur revenus d’activité ou de remplacement. Même elle se rapproche de cette dernière, la base brute à partir de laquelle le Net social sera calculé est plus large.
Les sommes prises en compte le seront pour leur montant brut réel dès lors qu’elles seront versées par l’employeur, sans tenir compte des éventuelles exonérations sociales ou fiscales, déductions, abattements, franchises ou assiettes forfaitaires applicables.
Par exemple, les principaux éléments ( non exhaustifs) à prendre en compte sont :
Non seulement des montants versés par l’employeur et assujettis à cotisations, mais aussi :
– des montants exonérés totalement, partiellement ou en franchise de cotisations (ex. : prime de partage de la valeur, gratifications des stagiaires) ;
– les contributions patronales finançant des garanties de protection sociale complémentaire (retraite supplémentaire, prévoyance), peu important qu’elles aient ou non un caractère collectif et obligatoire, à la seule exception des contributions patronales aux garanties Frais de santé collectives et obligatoires (seule garantie complémentaire dont la loi impose la mise en place, via le mécanisme du « socle minimal » ; c. séc. soc. art. L. 911-7) ;
- les revenus de remplacement versés par l’employeur (à l’exception des IJSS, même s’il y a subrogation).
Montants bruts à retenir : les principaux éléments à prendre en compte |
• Les revenus d’activité (salaire de base, gratifications, primes de toutes natures) • Les rémunérations des apprentis et contrats d’accompagnement dans l’emploi • La rémunération des heures supplémentaires et des heures complémentaires • La rémunération des jours de RTT monétisés en application de la loi du 16 août 2022 • La rémunération des jours travaillés en plus par les salariés en forfait jours en contrepartie de la renonciation à des jours de repos • Les gratifications des stagiaires, pour leur montant intégral (y compris, donc, la fraction en franchise de cotisations) • Les primes de toutes natures (y compris celles versées en cas d’impatriation ou d’expatriation, ou celles exonérées comme la prime de partage de la valeur) • La totalité des avantages en nature assujettis, évalués sur une base réelle ou forfaitaire • La participation des employeurs aux chèques-vacances et au financement des services à la personne (y compris la part exonérée de cotisations) • À l’exception des IJSS, les revenus de remplacement versés directement par l’employeur (ex. : indemnités légales d’activité partielle, allocations de chômage intempéries, indemnités versées dans le cadre d’un congé de reclassement, avantages de préretraite), à l’exception des IJSS • En cas d’arrêt de travail avec maintien de salaire, les montants bruts des indemnités complémentaires aux IJSS • En cas d’activité partielle, les indemnités légales ainsi que les éventuelles indemnités complémentaires versées par l’employeur • La rémunération versée pendant des périodes de congé ou de repos issue d’un compte épargne-temps • Les indemnités de congés payés qui figurent sur le bulletin de paye (en revanche, le net social correspondant à des indemnités versées par des caisses de congés payés sera, a priori, déclaré par les caisses) • Les contributions patronales finançant des régimes de protection sociale complémentaire (retraite supplémentaire, prévoyance), peu important qu’il s’agisse de régimes à adhésion obligatoire ou facultative, à l’exception de celles finançant des régimes collectifs et obligatoires Frais de santé (1), • Les indemnités de rupture de toutes natures • La participation et l’intéressement, uniquement lorsque les sommes sont directement versées par l’employeur au salarié (voir nos développements pour la question de la mention sur le bulletin de paye ou sur la fiche annexe) • Les jetons de présence • Les sommes qui, bien que qualifiées de frais professionnels, sont assujetties à cotisations faute de répondre aux conditions d’exclusion d’assiette |
(1) Dans la mesure où la loi impose une couverture minimale complémentaire Frais de santé collective et obligatoire, les contributions patronales finançant des garanties Frais de santé à caractère collectif et à adhésion obligatoire ne sont pas prises en compte. |
Les éléments à ne pas prendre en compte
- aux éléments qui ne constituent pas des revenus ;
- aux éléments que l’administration entend exclure par exception, tel que :
- les remboursements de frais professionnels (allocations forfaitaires ou frais réels selon le cas), pour leur montant répondant aux conditions d’exonération et échappant de ce fait aux cotisations (a contrario, les sommes versées à titre de remboursement de frais, mais assujetties à cotisations faute de respecter les conditions requises seraient à prendre en compte comme des revenus d’activité) ;
- pour leur fraction exonérée, les participations des employeurs aux frais de transport domicile-lieu de travail de leurs salariés (abonnements aux transports publics, prime transport, forfait mobilité durable) ou au financement des titres-restaurant ;
- les avantages en nature exonérés de cotisations et d’impôt sur le revenu car liées aux activités sociales (ex. : avantages tarifaires, activités sociales et culturelles des CSE) ;
- les contributions patronales finançant des régimes de prévoyance Frais de santé à caractère collectif et obligatoire (la loi imposant en effet une couverture minimale Frais de santé collective et obligatoire ; c. séc. soc. art. L. 911-7) ;
- le versement santé (ou « chèque santé ») de l’employeur, dont peuvent bénéficier certains salariés en lieu et place de la complémentaire Santé collective et obligatoire de l’entreprise (c. séc. soc. art. L. 911-7-1) ;
- les IJSS, même en cas de subrogation (le Net social correspondant sera déclaré par les CPAM) ;
- l’intéressement et la participation placés sur des plans d’épargne ;
- les abondements des employeurs aux plans d’épargne salariale.
Quelles cotisations déduire ?
Le « Montant net social » s’obtiendrait en déduisant de la base brute de départ :
– la part salariale de l’ensemble des cotisations et contributions sociales obligatoires d’origine légale ou conventionnelle (sécurité sociale, retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, assurance chômage, cotisation salariale maladie spécifique à l’Alsace-Moselle, CSG, CRDS, etc.) ;
– ainsi que les cotisations salariales finançant des complémentaires Frais de santé à caractère collectif et obligatoire (la loi rend en effet obligatoire la mise en place de ce type de garanties ; c. séc. soc. art. L. 911-7).
Les autres cotisations salariales de protection sociale complémentaire (ex. : retraite supplémentaire, prévoyance, dépendance) ne devraient pas être déduites, peu important que les régimes en question aient ou non un caractère collectif et obligatoire.
Les saisies sur rémunération
Les saisies ou cessions sur rémunération, y inclus les saisies administratives à tiers détenteur ou procédures de paiement direct de pension alimentaire ne sont pas prises en compte.
Elles ne seront jamais déduites. Deux salariés ayant des revenus équivalents auront systématiquement le même montant net social, y compris si l’un des deux fait l’objet d’une saisie.
L’intéressement et la participation : point d’alerte
Lorsqu’ils ne sont pas placés sur un plan d’épargne mais directement versés au salarié, l’intéressement et la participation sont des éléments à prendre en compte dans le Net social.
Dans la mesure où ils ne sont pas portés sur le bulletin de paye mais sur une fiche annexe, il ne faudra pas en tenir compte dans le « Montant net social » affiché directement sur le bulletin de salaire (il faudra cependant en tenir compte en DSN pour la période correspondant à son mois de versement par l’employeur).
En revanche, l’administration considère, que le « Net social » devra être porté sur tout document annexe ou bordereau qui accompagne le versement au salarié de certaines sommes, comme l’intéressement et la participation. En toute logique, la CSG/CRDS s’y rapportant serait prise en compte en déduction à ce niveau, et pas sur le « Net social » porté sur le bulletin de paye.
Le Montant net social dans la déclaration sociale nominative (DSN)
En 2023, il n’y aura pas d’obligation réglementaire.
Le Montant net social pourra en revanche être renseigné à titre facultatif et expérimental.
En effet, les employeurs et éditeurs de logiciels volontaires seront invités, à titre de tests, à déclarer son montant (valeur de réserve 027, à la rubrique S21.G00.51.011 du bloc « Rémunération S21.G00.51 » ; voir cahier technique DSN version 2023.1.4 du 14/12/2022, p. 236). Il n’y aura pas d’impact pour les assurés concernés, et les données déclarées ne seront pas exploitées par les CAF.
À partir de 2024, la déclaration en DSN du « Montant net social » sera obligatoire pour tous les salariés, au sein du bloc 58 (les modalités seront précisées dans la prochaine version du cahier technique DSN).
Mention obligatoire sur le bulletin de paye à partir de juillet 2023
Sur le bulletin de paye, la mention du Montant net social est pour l’instant prévue pour être obligatoire à partir des payes de juillet 2023. Il n’y a aucun besoin d’indiquer une quelconque valeur en cumul (annuel, trimestriel, etc.).
De juillet 2023 à décembre 2024, les employeurs et éditeurs de logiciels devraient pouvoir se contenter d’adapter le modèle de bulletin de paye existant, en ajoutant une ligne entre les rubriques « Total des cotisations et contributions » et « Net à payer avant impôt sur le revenu ».
Nouveau modèle rénové de bulletin de paye obligatoire à horizon 2025
Au plus tard en janvier 2025, les employeurs seraient tenus de délivrer aux salariés des bulletins de paye conformes à un modèle rénové . Il sera bien entendu possible de basculer à ce nouveau modèle sans attendre 2025, le cas échéant dès juillet 2023 (dans la pratique, tout dépendra de l’avancée des développements et mises à jour de l’éditeur de logiciel de paye).
L’arrêté devrait sortir courant janvier 2023 et il se peut qu’il y ait des modifications, notamment jusqu’en 2025 et surtout après la phase d’expérimentation.
Le Cabinet tenait toutefois à vous informer de ces modifications afin d’attirer votre attention pour éviter toute difficulté.